Comment la Chine prépare discrètement un débarquement massif à Taïwan

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Les visées de la Chine sur Taïwan, la seconde étant considérée comme une province temporairement perdue par la première, ne font aucun doute. Les préparations de l’empire du Milieu pour procéder à sa réunification non plus.

C’est logiquement par la mer que l’invasion pourrait avoir lieu, et Forbes explique comment Beijing avance discrètement ses pions dans les ports de l’île, tout en formant une flotte géante et temporaire de navires pour transporter massivement les troupes nécessaires à un tel coup de force.

Les plages de Taïwan risqueraient de ne pas suffire pour réussir un débarquement massif –il est question, explique Forbes, de projeter une force de deux millions de soldats au minimum. Pour se doter d’une solide tête de pont, la Chine devra donc compter sur la prise de l’un des grands ports de l’île.

Aussi lentement que sûrement, elle prépare très activement le terrain, en profitant de la nature ouverte de l’économie taïwanaise pour y prendre des parts, s’immiscer dans ses infrastructures et y placer des fidèles du Parti communiste chinois, prêts à l’appuyer dans ses velléités invasives.

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Forbes cite ainsi un article du chercheur Ian Easton, publié par le Project 2049 Institute américain. «Ces deux dernières décennies, le PPC a mis en place des bureaux dans les principaux ports de Taïwan, a investi dans les nouveaux projets portuaires de l’île et gagné un accès direct à certaines de ses infrastructures basiques», écrit ainsi Easton.

En clair: le ver est dans le fruit, et Beijing ne s’en cache d’ailleurs aucunement. Mise en place en 2017, la «Guójiā Qíngbào Fǎ» ou Loi sur le renseignement national institue ainsi des liens entre les entreprises privées chinoises et les instances militaires du pays, les secondes pouvant exiger des premières qu’elles leur fournissent toute information jugée utile à la sécurité de la nation.

Civilitaire

Easton prend l’exemple du Kao Ming Container Terminal, situé dans le port de Kaohsiung, dans le sud-est de Taïwan, donc faisant directement face à la Chine.

Firme chinoise, le géant COSCO Shipping est l’actionnaire majoritaire du terminal. Ce dernier comporte des systèmes automatisés et de sécurité conçus en Chine par Shanghai Zhenhua Heavy Industries –de quoi alimenter une éventuelle force invasive en inestimables informations sur le port, ses acteurs et ce qui s’y déroule en temps réel.

Or, Shanghai Zhenhua Heavy Industries est la possession de China Communications Construction Corporation, une structure blacklistée par les États-Unis en 2020 pour ses liens trop étroits avec l’Armée populaire de libération chinoise. CQFD, du moins selon le chercheur américain: tout est bientôt en place pour une future action.

Tout, ou presque. A priori, les deux millions de militaires évoqués par Forbes ne traverseront pas le Détroit de Taïwan à la nage. Et si la Chine a grandement accéléré ces dernières années la constitution de sa colossale flotte militaire, désormais la plus grande au monde, les quelques navires amphibies dont elle dispose pour l’instant ne pourraient embarquer que 25.000 soldats.

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C’est donc, comme pour le renseignement, sur la flotte maritime civile que Beijing compte pour transbahuter une éventuelle force d’invasion massive. Là encore, la Loi sur le renseignement national votée en 2017 prépare les pièces du puzzle. «Elle dispose que les infrastructures basiques et plateformes de transport chinoises puissent être traitées comme les actifs d’une fusion civile-militaire», explique le même Ian Easton, repris par Forbes.

«À la discrétion du PCC, elles doivent désormais être conçues et managées de sorte à pouvoir également soutenir de futures opérations militaires, ajoute le chercheur. Dans le cas d’un conflit, elles intégreraient l’armée. En temps de paix, elles doivent s’y préparer.»

Entre à nouveau en jeu COSCO Shipping, dont le gros millier de navires civils pourrait constituer la colonne vertébrale de cette flotte d’invasion pas tout à fait improvisée. Selon Easton, certains de ces bateaux ont déjà reçu les modifications techniques propres à soutenir des opérations armées, l’ajout de rampes supportant le poids de blindés ou de plateformes porte-hélicoptères notamment.

Quant à leurs équipages, ils subiraient dans certains cas de véritables entraînements et exercices militaires, histoire d’être fin prêts lorsque viendra ce D-Day oriental, que ni Taïwan ni ses alliés régionaux ou occidentaux ne comptent laisser se dérouler sans résistance.

Le rôle important du ‘bouclier de silicium’ qui protège Taïwan de la Chine

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Le rôle important du ‘bouclier de silicium’ qui protège Taïwan de la Chine

Cristina J. Orgaz @cjorgaz

BBC News Mundo

15 juillet 2021

Crédit photo, Getty Images Légende image, Taïwan a accès à la technologie militaire américaine la plus avancée.

Face à une superpuissance mondiale se trouve une petite île qui n’a même pas la taille de Cuba.

Taïwan, située à seulement 180 kilomètres de la République populaire de Chine, vit en regardant son éternel ennemi avec lequel elle partage la même langue et les mêmes ancêtres, mais un régime politique différent.

D’un côté du détroit, Pékin dirige une Chine communiste de 1,3 milliard d’habitants sous la coupe d’un parti unique.

De l’autre, Taipei dirige une république démocratique de 23 millions d’habitants.

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Le différend qui oppose les deux pays depuis 1949 a privé Taïwan de l’accès aux instances internationales et lui a conféré un statut indéfini et une reconnaissance internationale limitée.

En effet, seuls 15 pays dans le monde reconnaissent ce territoire comme un État souverain, tandis que la Chine revendique l’île comme faisant partie de son domaine et la considère comme une province rebelle.

En 2005, le parti communiste chinois a adopté une loi antisécession qui affirme son droit de recourir à des “mesures non pacifiques” contre Taïwan si celle-ci tente de faire sécession de la Chine continentale.

Depuis lors, si Taïwan devait déclarer son indépendance, le petit territoire insulaire pourrait faire l’objet d’une attaque militaire.

Mais après des années d’hostilités et de tensions, Taïwan a trouvé une stratégie qui favorise sa survie nationale dans ce conflit asymétrique et a réussi à éloigner le spectre d’une invasion chinoise : le “bouclier de silicium”.

Une “arme” que personne ne peut reproduire à moyen ou long terme compte tenu de son niveau de complexité.

Un secteur-clé dont dépendent tous les produits, des avions de chasse aux panneaux solaires, des jeux vidéo aux instruments médicaux.

Pour nous expliquer de quoi il s’agit, BBC World s’est entretenu avec Craig Addison, le journaliste qui a inventé ce terme avec la publication de son livre “Silicon Shield : Taiwan’s Protection Against Chinese Attack.”

Crédit photo, Getty Images Légende image, Les puces sont le “cerveau” de tout appareil électronique.

Cela signifie que la position de Taïwan en tant que premier fabricant mondial de puces à semi-conducteurs avancées a un effet dissuasif sur une action militaire de la Chine.

L’impact d’une guerre dans cette partie du monde serait si important que la Chine en paierait un lourd tribut, y compris de graves dommages à sa propre économie.

Le géant asiatique, comme le reste de l’économie mondiale, dépend de puces ultra-sophistiquées fabriquées à Taïwan.

Ces petites pièces sont constituées de semi-conducteurs, c’est-à-dire de circuits intégrés généralement en silicium.

Crédit photo, Getty Images

Alors, contre quoi protège-t-il Taïwan ?

Le bouclier de silicium s’apparente au concept de DMA (destruction mutuelle assurée) de la guerre froide, car toute action militaire dans le détroit de Taïwan serait aussi dommageable pour la Chine que pour Taïwan et les États-Unis.

Ainsi, dans les faits, elle empêche le déclenchement d’un conflit et protège le petit territoire d’une attaque militaire ordonnée par Pékin.

Le coût d’une telle action serait si élevé, non seulement pour le monde, mais aussi pour la Chine elle-même, que le gouvernement de Xi Jinping devrait y réfléchir à deux fois avant de donner l’ordre.

Y a-t-il des exemples similaires dans l’histoire récente ?

Le fait que le gouvernement chinois n’ait pas été en mesure de donner suite à son intention déclarée de prendre Taïwan par la force si nécessaire montre que le “bouclier de silicium” fonctionne.

Si Taïwan n’était pas un fournisseur de technologies aussi important pour le monde, il est possible que la Chine aurait déjà pris des mesures pour occuper le territoire.

Lors de la crise des missiles dans le détroit de Taïwan en 1996, les États-Unis ont envoyé deux groupes de combat de porte-avions pour dissuader les exercices de guerre chinois visant Taïwan, qui comprenaient des tirs de missiles.

C’est un exemple concret des enjeux de la prévention d’une attaque.

Crédit photo, Getty Images Légende image, Les analystes pensent que la Chine voulait effrayer Taïwan lorsqu’elle a mené un entraînement militaire dans le détroit en 1996.

De quel côté se sont rangés les Etats-Unis ?

La plupart des experts militaires s’accordent à dire que la Chine n’a pas la capacité militaire de lancer une attaque de grande envergure contre Taïwan.

Lors de son témoignage devant le Congrès américain en juin, le général Mark Milley, président des chefs d’état-major interarmées, a déclaré qu’une attaque serait “extraordinairement compliquée et coûteuse” pour la Chine.

En décidant d’entreprendre une action militaire contre Taïwan, la Chine doit également se demander si les États-Unis prendront la défense de l’île.

Il est difficile de croire que les États-Unis resteraient les bras croisés et laisseraient la Chine prendre Taïwan par la force.

Pourquoi ?

Outre les perturbations massives qu’elle entraînerait dans la chaîne d’approvisionnement mondiale des hautes technologies et dans l’économie américaine elle-même, une invasion donnerait à la Chine le contrôle des usines de puces les plus avancées du monde.

Et le géant asiatique s’emparerait des armes de guerre avancées que Washington a vendues à Taipei au fil des ans.

Qui peut penser que les États-Unis vont rester les bras croisés et laisser cela se produire ?

Crédit photo, Craig Addison Légende image, Craig Addison est l’auteur de “Silicon Shield: Taiwan’s Protection Against Chinese Attack”

Les États-Unis ont-ils maintenu la même politique envers Taïwan sous tous les présidents ?

Lorsque le président Jimmy Carter a établi unilatéralement des relations diplomatiques avec Pékin en 1979 et rompu les liens officiels avec Taïwan, le Congrès a adopté la loi sur les relations avec Taïwan, qui autorise la vente d’armes défensives à l’île.

La politique américaine à l’égard de Taïwan reste marquée par une “ambiguïté stratégique”, ce qui signifie que les États-Unis ne déclarent pas publiquement s’ils défendront ou non Taïwan en cas d’attaque. Il est donc plus difficile pour la Chine de planifier une quelconque stratégie militaire.

En 2001, le président George W. Bush a déclaré qu’il ferait “tout ce qu’il faut” pour protéger Taïwan d’une attaque chinoise. Cependant, la plupart des autres présidents américains ne disent rien publiquement, bien que leurs actions soient plus éloquentes que les mots.

Comme indiqué précédemment, lors de la crise des missiles dans le détroit de Taïwan en 1996, le président Bill Clinton a ordonné à deux porte-avions de surveiller les exercices de guerre chinois, envoyant ainsi un message fort à Pékin.

Crédit photo, Reuters Légende image, L’affrontement entre Donald Trump et Xi Jinping a conduit certains à dire qu’une “guerre technologique” est en cours.

L’administration Trump a établi des liens militaires plus étroits avec Taïwan, autorisant notamment la vente d’armes avancées à Taipei.

Et cette politique de rapprochement s’est poursuivie sous la présidence de Joe Biden.

Au début du mois de juin, une délégation de sénateurs américains est arrivée à Taïwan à bord d’un Boeing C-17 dans le cadre du programme de don de vaccins covid-19 de M. Biden.

L’apparition d’un avion militaire américain géant dans un aéroport taïwanais a été perçue par la Chine comme un nouveau signe du soutien de Washington au petit territoire.

Quel est le rapport entre la pénurie de micropuces à semi-conducteurs sur le marché et Taïwan ?

La pénurie de semi-conducteurs a commencé dans le secteur automobile parce que les fabricants ont mal calculé la rapidité avec laquelle la demande se rétablirait après la pandémie de covid.

Dans un premier temps, ils ont annulé leurs commandes de puces, mais ils ont ensuite réalisé qu’ils devaient se trouver à la fin de la file d’attente lorsqu’ils voulaient passer une nouvelle commande.

Crédit photo, Getty Images Légende image, General Motors a considéré l’arrêt de la production dans trois usines nord-américaines.

Par la suite, les pénuries se sont étendues à d’autres produits électroniques, notamment les ordinateurs portables et les consoles de jeux, qui étaient très demandés en raison des confinements mondiaux imposés.

Taïwan, qui est l’un des principaux fournisseurs de puces pour ces produits, est devenu le goulot d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement mondiale.

Quelle a été la réponse de Taïwan ?

En réponse à la pénurie, Taiwan Semiconductor Manufacturing Co (TSMC), qui fournit un quart des puces du monde, investit dans de nouvelles capacités de production, mais il s’agit d’une solution à long terme.

À court terme, elle a adopté une politique consistant à donner la priorité aux commandes “réelles” des acheteurs de puces ayant des besoins immédiats, plutôt que de fournir des clients qui font des “doubles réservations” pour couvrir leurs prévisions pendant la pénurie.

Crédit photo, Getty Images Légende image, Le fondateur de TSMC, Morris Chang, a choisi de se spécialiser dans la production.

Quel rôle joue TSMC dans cet équilibre géopolitique ?

TSMC a essayé d’être la Suisse de l’industrie des puces, c’est-à-dire de rester neutre, mais cette stratégie est arrivée à son terme.

L’entreprise a dû se ranger du côté des États-Unis dans la guerre commerciale avec la Chine en acceptant les sanctions que Washington a imposées au géant technologique chinois Huawei Technologies Co.

En fait, TSMC n’avait pas vraiment le choix car la plupart de ses clients (62 % selon son rapport annuel 2020) sont nord-américains.

Ses ventes proviennent de sociétés telles qu’Apple, Nvidia et Qualcomm, et seulement 17 % de ses ventes cette année-là sont allées à la Chine (y compris Huawei).

De son côté, TSMC dépend également d’entreprises américaines telles que Applied Materials, Lam Research et KLA, qui fabriquent les machines nécessaires à la fabrication des micropuces. Elle ne peut donc pas aller à l’encontre des souhaits des États-Unis sous peine de se voir interdire l’accès à la technologie.

C’est pourquoi on dit de TSMC qu’elle est une entreprise taïwanaise avec une “âme” américaine, parce que son fondateur (Morris Chang) et la plupart de ses PDG et cadres supérieurs y ont fait leurs études universitaires et ont eu de longues carrières dans des entreprises américaines.

En fait, beaucoup d’entre eux sont des citoyens américains.

Crédit photo, Getty Images

Un pays peut-il être autosuffisant sur le plan technologique ?

Aucun pays n’est autosuffisant dans tous les aspects de la technologie, et certainement pas dans les semi-conducteurs.

Au cours des dernières décennies, l’industrie des semi-conducteurs s’est fragmentée et divers éléments de la chaîne d’approvisionnement sont fabriqués dans différentes parties du monde et par différentes entreprises.

La conception des puces est principalement réalisée aux États-Unis, la fabrication des cartes à Taiwan, et l’assemblageet le test des puces en Chine ou en Asie du Sud-Est.

Qu’est-ce qui motive la décision de TSMC de construire une nouvelle usine en Arizona (USA) pour fabriquer des puces destinées à l’industrie militaire américaine ?

Le gouvernement américain a fait pression sur TSMC pour qu’elle investisse dans la construction d’une usine en Arizona.

Ce n’était pas une décision entièrement dictée par la défense.

Crédit photo, Getty Images Légende image, En 1996, les États-Unis ont envoyé 2 porte-avions

Il est vrai que l’armée américaine veut s’assurer un approvisionnement sûr en puces dans une installation située sur son propre sol après que le “fournisseur fiable” du ministère de la défense, Global Foundries, qui possède des usines de planches aux États-Unis, ait pris du retard dans la course à la technologie.

Le ministère de la défense bénéficiera donc de la décision de TSMC de construire une usine de fabrication de cartes avancées en Arizona.

Mais je pense que les principaux bénéficiaires des nouvelles usines de TSMC sur place seront les gros clients américains comme Apple, Qualcomm et Nvidia.

Ils pourront désormais se sentir plus à l’aise en sachant qu’ils peuvent s’approvisionner en pièces essentielles au niveau national et ne pas dépendre de Taïwan pour tout.

Crédit photo, Getty Images

La Chine élabore des plans pour devenir un géant de la fabrication de puces. Combien de temps lui faudra-t-il pour se libérer de sa dépendance à l’égard de Taïwan ?

La Chine n’est pas le seul pays qui souhaite se libérer de sa dépendance vis-à-vis de Taïwan.

Cela vaut également pour les États-Unis, l’Europe et le Japon.

Cela dit, l’autosuffisance dans la production de semi-conducteurs, si l’on inclut l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, de la conception des puces à la fabrication des cartes, est impossible en pratique.

Même si cela était techniquement possible, le coût de sa réalisation serait prohibitif pour tout pays.

Cela vaut non seulement pour la Chine, mais aussi pour les États-Unis. Ainsi, en ce sens, tous les discours sur l’autosuffisance de la Chine sont quelque peu trompeurs.

Dans le cadre de son effort d’“autosuffisance”, la Chine cherche à réduire sa dépendance à l’égard des puces importées, ce qui signifie qu’elle veut être en mesure de fabriquer ses puces sur place.

Menacé par la Chine, Taïwan se réarme

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Menacé par la Chine, Taïwan se réarme 16h00 , le 12 juillet 2021

La présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, assise à côté de son chef de la diplomatie, Joseph Wu, le 6 juin à Taipei face à des parlementaires américains. (Sipa)

Ce n’est pas cette semaine que le gouvernement démocratique taïwanais enverra ses chars, ses avions et ses frégates répondre à munitions réelles à une simulation d’agression armée chinoise. Cette année, hausse des infections au Covid-19 oblige, l’état-major à Taipei a réduit la voilure des manœuvres annuelles qui devaient se dérouler à partir de mardi sur les côtes de l’île. Mais les militaires n’ont pas vraiment digéré l’incursion massive du 15 juin, lorsque 28 chasseurs et bombardiers de l’armée de l’air chinoise ont pénétré dans la zone d’identification de défense aérienne de Taïwan. L’alerte générale a retenti sur les bases, des intercepteurs ont décollé mais les avions chinois ont fait demi-tour pour éviter le combat.

Le 12 avril, 25 appareils des escadrons aériens de Pékin avaient déjà tenté pareille approche intrusive dans le sud-ouest de la zone de défense taïwanaise. En fait, il ne se passe pas une seule semaine depuis 2019 sans que la Chine ne vienne tester la résistance de l’île rebelle. Ce qui a suscité ce coup de poing sur la table du chef de la diplomatie taïwanaise, Joseph Wu, il y a trois semaines : “Nous devons nous préparer pour un possible conflit militaire, nous n’avons pas d’autre choix que d’être prêts.” Ce à quoi un porte-parole du régime communiste a répliqué que Wu était un “séparatiste acharné qui devra en payer le prix fort”.

En France, Taïwan est considéré “comme un dossier prioritairement américain”

La guerre des mots et les postures agressives, à la limite de la provocation et du dérapage incontrôlé dans l’ouverture du feu, les États-Unis s’y préparent aussi. Fin juin, les armées américaine et japonaise ont organisé des exercices conjoints dans le sud et l’est de la mer de Chine. En simulant des manœuvres de débarquement amphibie sur des îles japonaises, c’est bien à Taïwan que se référaient les planificateurs, selon un ancien responsable des affaires asiatiques au Pentagone cité par le Financial Times. Washington a autorisé l’an dernier la livraison en 2025 à Taïwan de 400 missiles Harpoon d’une portée de 160 kilomètres.

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Depuis, la présidente, Tsai Ing-wen, a demandé à son industrie de défense d’accélérer la production de missiles antiaériens, mais surtout de missiles de croisière, notamment le Yun Feng, capable de cibler Shangaï ou Pékin, comme le rappelle Hanns Maull, chercheur au Mercator Institute for China Studies de Berlin. Une telle panoplie viendrait s’intégrer à l’initiative de dissuasion dans le Pacifique (PDI) proposée par le commandement militaire américain de l’Indopacifique.

" Nous devons nous préparer pour un possible conflit militaire "

La stratégie indopacifique des Européens, et singulièrement de la France, n’inclut pas Taïwan “sur un plan opérationnel”, nous confie un responsable français. Bien que des bâtiments de guerre français, néerlandais, britanniques ou danois naviguent régulièrement en mer de Chine pour y rappeler le droit international à la libre circulation, Taïwan est considéré “comme un dossier prioritairement américain”, ajoute cette source. Mais il en a tout de même été question vendredi à Washington, lors de la première visite de la ministre des Armées, Florence Parly, à son nouvel homologue, Lloyd Austin.

Car la France veut conserver avec son allié une présence dissuasive dans la zone indopacifique, raison pour laquelle sa marine nationale continue de renforcer ses coopérations. C’est ainsi qu’à l’automne dernier le sous-marin nucléaire d’attaque Émeraude a patrouillé en mer de Chine, participé à des exercices discrets avec les marines australienne et américaine et fait escale à Guam, la grande base stratégique des États-Unis dans le Pacifique.