Tendances médias 2021 : le virus accélère la digitalisation

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La crise sanitaire et économique accélère la transformation numérique des rédactions. Nouveaux formats, management plus horizontal, nouvelles monétisations…

Le Reuters Institute a publié le 7 janvier 2021 un rapport de tendances médias pour 2021. Voici ses principales prédictions et enseignements en 36 tweets.

  1. La crise du Coronavirus a accéléré la transition numérique des rédactions pour 76% des répondants : innovation, formats, pratiques journalistiques, modèles d’affaire…

  2. Revers de la médaille toutefois, 77% estiment que le travail à distance rend plus difficile les relations avec les managers et la communication en général, sans parler des risques sur la santé mentale des employés

  3. Beaucoup de journalistes apprécient beaucoup le travail à domicile, mais d’autres n’attendent que de pouvoir revenir au bureau. Le problème est que la moitié des médias interrogés ont l’intention de diminuer leur présence physique pour économiser de l’argent…

Se rapprocher de ses lecteurs est une urgence

  1. Une prise de conscience semble s’être produite sur la nécessité de se reconnecter à son audience, par de l’investigation locale, du crowd-sourcing, de la co-production de contenus (ce que je préconisais ci dessous 🙂

👉 Médias, ce n’est pas le moment d’abandonner les commentaires, ni l’interaction avec vos lecteurs ! –

  1. La crise a aussi renforcé la confiance des journalistes en l’avenir de leur entreprise (73%) et envers le journalisme en général (53%, +7 points versus 2019). La nécessité d’une info fiable durant cette crise sanitaire saute aux yeux

Retrouver des spécialistes dans les rédactions

  1. La nécessité de recruter des journalistes spécialisés est apparue au grand jour, en opposition avec une tendance à privilégier des généralistes ultra-polyvalents et réactifs utiles dans une guerre d’audience, mais démunis sur les sujets experts

  2. L’enquête, le fact-checking et la dataviz, parfois contestés, ont montré leur importance cruciale.

👉 Le data-journalisme, c’est de l’enquête, pas du code…

  1. La recrudescence de « fake news », d’erreurs et d’inexactitudes rassure davantage la profession qu’elle n’inquiète. 68% estiment qu’elles renforcent plutôt le journalisme.

  2. Les services publics d’information ont montré leur utilité vitale, ce qui rend moins populaires les politiques d’austérité de ces dernières années (d’autant que l’information à valeur ajoutée est devenue payante)

👉 Presse payante : les inégalités d’accès à l’information s’accentuent

Accélération sur les abonnements et le modèle payant

  1. Le modèle d’affaire principal des médias est plus que jamais fondé sur l’abonnement, et la crise a accéléré ce mouvement, mais surtout au bénéfice de quelques marques médias très fortes. Il y a un risque sérieux de concentration du marché contre le pluralisme.

  2. Avec l’accoutumance à la crise du Covid-19 et les difficultés financières des lecteurs liées à la crise, se pose la question du ralentissement de la croissance des abonnés et leur rétention. Les offres de service groupées avec podcast sont une des solutions envisagées.

  3. Ainsi que le développement des partenariats de distribution (Apple, Google, Substack pour les indépendants). Attention toutefois à ne pas perdre la maîtrise des données utilisateurs et perdre en qualité relationnelle, ce qu’on gagne en quantité ! (remarque personnelle).

  4. Le modèle publicitaire en ligne apparaît de moins en moins attrayant pour les médias, avec la concurrence féroce des producteurs de contenus, la concurrence des plateformes et le retard technologique sur les données utilisateurs.

De nouvelles sources de revenus se développent

  1. L’événementiel physique a beaucoup souffert de la crise évidemment, il se tourne vers le direct. L’autre levier de diversification intéressant pour les médias : le e-commerce, en particulier sur des verticaux (ex. Tasty/Buzzfeed).

  2. Le modèle d’affiliation peut apporter de nouveaux revenus aussi à la presse : vendre des abonnements d’autrui en prélevant une commission au passage, tout comme Apple ou Amazon. Mais cela ne peut profiter vraiment qu’aux plus gros acteurs médias.

  3. Les événements en ligne peuvent s’avérer efficace pour créer et maintenir un lien avec sa communauté (recruter/réduire le churn), renforcer l’attractivité d’une offre de contenus, si la qualité de l’expérience est au rendez-vous. Attention à la « fatigue Zoom »!

Le management évolue par la force des choses : plus horizontal, plus collaboratif

  1. Innovation : la manière de manager est aussi en train de muter rapidement. Il s’agit plus de valoriser et organiser les idées des autres (et révélées par les data) que d’en être soi-même la source. La formation d’équipes trans-disciplinaire s’avère clé.

  2. L’innovation se poursuit dans les rédactions, mais avec moins de budget, elle se concentre sur les projets déjà en place. Focus important sur le design produit et l’UX (expérience utilisateur).

L’argent de Google préfigure de belles empoignades

  1. 2021 verra aussi l’application de l’accord passé avec Google sur l’exploitation des contenus médias (30 M $ en France) et certainement des batailles féroces pour savoir qui en bénéficie, et quelle intégration sera proposée.

👉 Google et la presse française, le grand dégel ?

  1. Le travail de communication / collaboration de Google avec les éditeurs semble avoir payé sur le long terme, car contrairement aux réseaux sociaux, les éditeurs ont plutôt bonne opinion du géant de la recherche (59% estiment qu’il soutient le journalisme).

  2. La crise a mis en exergue l’importance de l’autorité publique dans son rôle d’amortisseur éco du secteur, mais aussi dans sa mission de régulation des plateformes (diffusion des fake news, accès aux data utilisateurs etc.).

👉 Réseaux sociaux : nouveaux censeurs ?

Vive l’impartialité, mais pas la neutralité !

  1. S’agissant du traitement de l’information, l’impartialité semble plus que jamais de mise (88%), même si la neutralité semble difficile dans certains cas pour 48% des répondants. L’impartialité n’est pas l’absence de parti, mais un choix sans a priori initial, contrairement à la neutralité qui implique de ne pas choisir (ce qui ne rend pas service au lecteur).

👉 Mutation des usages : 5 défis pour les médias et producteurs de contenus

  1. Sur cette question cruciale, il y a assurément un nouvel équilibre à trouver, entre le dogme intenable de la neutralité qui est parfois une excuse pour rester en surface des sujets, et le militantisme, occultation de la complexité à des fins politiques.

  2. L’année 2020 fut aussi celle des newsletters qui se révèlent des outils très complémentaires pour l’acquisition d’abonnés, par l’engagement qu’elles génèrent, la récurrence de visites et la communauté qu’elles peuvent engendrer.

Le développement des newsletters se poursuit

👉 L’irrésistible ascension des newsletters

  1. Les newsletters se développent aussi via l’apparition de nouveaux outils comme substack, Lede ou ghost qui séduisent des journalistes sortis des rédaction (de gré et souvent de force), avec une promesse de réussite qui fleure beaucoup l’eldorado.

👉 Les journalistes peuvent-ils devenir leur propre média

  1. De ce point de vue, le rapport prédit une déconvenue et un retour dans les rédactions, par l’excès d’offre sur les newsletters et l’épuisement des journalistes à proposer seuls, jour après jour une offre éditoriale originale et de qualité.

L’usage des podcasts, en pleine ascension

  1. L’usage des podcasts d’actu, lui, se poursuit, en dépit de la diminution des « temps morts » du matin, liés au transport jusqu’à son lieu de travail. Un pic du soir se révèle lui aussi, qui sort un peu l’audio de son usage majoritairement matinal.

👉 Podcasts : la progression des usages se confirme, mais la radio reste ultra-dominante

  1. Les tendances de l’année sur le podcast ?

– La croissance du modèle payant (abonnement, dons, publicité)

– La bataille des plateformes pour recruter « les stars »

– La déclinaison des podcasts en video

👉 Podcasts : les modèles d’affaire se tournent vers l’abonnement et les diversifications

  1. Les formats audio longs, les séries sont appelée aussi à se développer dans la presse, comme le préfigurent les rachats du NYTimes (Serial Productions, S-Town, Audm), de même que des versions audio d’articles écrits.

L’intelligence artificielle, l’innovation au plus fort impact

  1. L’IA est la principale innovation à venir, en termes d’impact, pour le journalisme selon 69% des personnes interrogées.

– Trouver de nouvelles histoires et publics

– Accélérer la production

– Améliorer la distribution

  1. On pense aussi aux chatbots éditoriaux qui peuvent animer une communauté, à l’instar du chatbot Messenger @lamontagne des municipales.

👉 A découvrir – “Bonjour Marianne !”, une autre façon de suivre les élections municipales

  1. Avec la crainte que ces innovations ne profitent qu’à ceux qui peuvent investir, soit aux plus gros médias – tout comme pour l’usage des data. Une concentration du secteur est à redouter…

  2. Autres exploitations majeures de l’IA à suivre : l’automatisation ou semi-automatisation de formats à partir du texte, de même que la traduction multilingue grâce aux progrès de la reconnaissance et traduction vocale.

  3. Des progrès de l’IA qui ont – comme toute innovation techno – un revers : l’apparition et le développement des « deep-fakes » .

  4. Le développement de la 5G dans le monde annonce aussi des évolutions à suivre en matière de streaming live, de jeu, de réalité virtuelle (VR)et augmentée (AR) et leur déclinaison pour le traitement de l’info.

  5. Les innovations produits amenées à se diffuser ? Les montres connectées pour le suivi de santé/sport, les écouteurs sans fil avec ajustement auto du son à l’environnement, les enceintes connectées et le retour des lunettes intelligentes!

Cyrille Frank

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L’expert :

Cyrille Frank (@cyceron) est directeur de l’ESJ-Pro Médias Paris, Journaliste, formateur, consultant – Co-fondateur de Askmedia (quoi.info, Le Parisien Magazine, Pôle dataviz). Formateur aux techniques rédactionnelles plurimédia, au marketing éditorial, au data-journalisme. Consultant en stratégie éditoriale : augmentation de trafic, fidélisation, monétisation d’audience. – Usages des réseaux sociaux (acquisition de trafic, engagement…). Auteur de Mediaculture.fr.

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Covid-19 – réussir à retenir son souffle pendant longtemps ne prouve rien (Fact-checking)

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Ouestafnews – Une vidéo circulant depuis plusieurs semaines via WhatsApp dans quelques pays d’Afrique de l’Ouest soutient que réussir à retenir son souffle pendant un certain temps veut dire qu’on n’a « pas de coronavirus ».

C’est un film d’animation de 29 secondes, qui affiche en anglais : « Check your lungs and oxygen level. If you can hold your breath from point A to B, then you can be free from corona virus », qu’on peut traduire en français par : “Testez vos poumons et le niveau d’oxygène. Si vous pouvez retenir votre souffle du point A au point B, il se peut que vous soyez exempt de corona virus ». Un point rouge – le seul élément animé du film – parcourt une ligne, et met 23 secondes entre les points A et B.

Le coin inférieur droit de l’écran comporte une traduction en arabe. La vidéo apparaît dans une région ouest-africaine où le premier cas de Covid-19 confirmé a été enregistré au Nigeria le 27 février 2020. A la date du 21 décembre 2020, le Nigeria est également l’Etat le plus touché de la sous-région par la pandémie avec 78.790 cas positifs et 1.227 décès enregistrés, selon le Centre régional de surveillance et contrôle des maladies de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique l’Ouest).

Lire aussi : Le lavage des mains est-il efficace à 60% contre le Covid-19 ? (Fact-checking)

D’où vient la vidéo ?

Des interlocuteurs de Ouestaf News en Afrique de l’Ouest ont indiqué avoir vu passer cette vidéo, sans être en mesure de remonter à son origine, ni d’indiquer depuis combien de temps elle circulait dans leurs pays. C’est le cas du journaliste nigérien Himadou Amadou : il l’a vue « il y a quelques mois déjà », a-t-il dit à Ouestaf News. Selon lui, une « vidéo similaire » circule également via WhatsApp à Niamey, « elle est différente de celle-ci mais c’est le même exercice » suggéré, assorti du même message.

La vidéo reçue par Ouestaf News comporte de manière claire un logo avec slogan, un numéro de téléphone d’appel gratuit et la revendication « 52 years of reliability » (“52 ans de fiabilité”).

Les recherches menées par Ouestaf News ont permis de remonter à une société qui existe réellement, Cona Industries, créée en 1968, spécialisée dans la vente de matériel électrique et basée à Mumbai, en Inde. Le logo et le slogan affichés sur la vidéo sont bien ceux de Cona Industries, de même que le numéro d’appel gratuit : 1800 1234 101.

Ouestaf News a contacté la société indienne à plusieurs reprises, par divers moyens (téléphone, e-mail et compte Facebook Messenger) depuis le 8 décembre 2020, sans autre réaction qu’un message automatique via Facebook Messenger promettant une réponse d’un représentant.

Jusqu’à la mise en ligne de ce texte, nous n’avons reçu aucun appel ou message d’un quelconque représentant de Cona Industries, et nous n’avons réussi à joindre aucun de ses agents.

Avis d’une pneumologue

« L’information que diffuse cette vidéo est complètement erronée », a déclaré Dr Hind Henzazi, pneumologue à la Clinique du Cap, à Dakar, au Sénégal, à qui Ouestaf News a soumis le film d’animation.

« Une personne infectée par le coronavirus peut avoir plusieurs tableaux cliniques : elle peut être asymptomatique (sans aucun signe clinique) ou avoir des symptômes minimes (fièvre, fatigue, maux de tête…) ; dans d’autres cas, elle peut avoir une atteinte pulmonaire. Et même dans ce cas de figure, il y a plusieurs degrés d’atteinte pulmonaire », a affirmé Dr Henzazi.

Selon cette praticienne, « dans les atteintes pulmonaires moyennes à sévères, le souffle peut être affecté et, effectivement, la personne n’arrivera pas à retenir son souffle plus longtemps » si elle tente de le faire comme indiqué sur la vidéo. Mais « de là à conclure par le test proposé par cette vidéo qu’une personne n’a pas d’infection à coronavirus, cela est totalement faux », a-t-elle tranché.

Qu’en dit l’OMS ?

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS), en lutte contre les infox sur le coronavirus, a recensé plusieurs fausses allégations sur le sujet, qui sont compilées sur une page dédiée : “En finir avec les idées reçues” sur le Covid-19. Selon elle, réussir à se mettre en apnée « dix secondes ou plus » – rappelons que la vidéo circulant en Afrique de l’Ouest préconise 23 secondes – ne prouve pas qu’on n’a pas le Covid-19.

« Arriver à retenir sa respiration pendant dix secondes ou plus sans tousser ni se sentir gêné ne signifie pas que l’on est épargné par la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) », écrit l’agence onusienne.

« Les symptômes les plus fréquents de la Covid-19 sont la toux sèche, la fatigue et la fièvre. Certaines personnes peuvent développer des formes plus graves de la maladie, comme une pneumonie. Le meilleur moyen de savoir si vous avez attrapé le virus responsable de la Covid-19 est d’en obtenir la confirmation par un test de laboratoire », explique-t-elle, en mettant en garde : « Vous ne pouvez pas le confirmer vous-même avec cet exercice de respiration, qui peut même être dangereux ».

Le réseau social Facebook, également impliqué dans la lutte contre les fausses allégations concernant le Covid-19, a aussi mis en ligne son « Centre d’informations sur le coronavirus », où il relaie des informations vérifiées. On y retrouve la mise en garde de l’OMS sur l’inefficacité de l’exercice respiratoire comme prétendu test du Covid-19.

Retenir son souffle : pas fiable comme test du Covid

Une courte vidéo circulant depuis plusieurs semaines en Afrique de l’Ouest, notamment au Niger, soutient que réussir à retenir sa respiration pendant plusieurs secondes – 23, en tout – peut signifier qu’on n’a pas le Covid-19. Cela est faux, selon les médecins et l’OMS.

Le meilleur moyen pour savoir si on a attrapé le virus causant le Covid-19 est le test en laboratoire, souligne l’OMS, qui avertit contre les dangers de retenir sa respiration pendant « dix secondes ou plus ».

Cs/ts